Des petites lanternes pour garder le cap… Pour ne pas perdre le lien…
Depuis le tout premier confinement du mois de mars 2020 j’écris régulièrement, des petites chroniques s’adressant principalement aux professionnels de la petite enfance, aux parents mais aussi aux professionnels des écoles maternelles.
L’objectif de ces textes est de préserver le lien et la réflexion, pour éviter de se perdre dans des restrictions sanitaires qui pourraient finir par prendre le pas sur les besoins fondamentaux des petits… Et des grands.
Pour symboliser l’enjeu de ces éclairages, j’ai choisi volontairement d’illustrer chaque texte par des petits lampions, afin d’imaginer que plus les lecteurs liront ces petites chroniques, plus nous ferons la lumière sur nos préoccupations quotidiennes autour de l’enfant…
Perception d’enfant… Perception d’adulte
Notre perception, notre manière de voir le monde, de ressentir les évènements sont « intellectualisés » pour nous, les adultes. Nous pouvons nous les expliquer, sans forcément les comprendre. Nous en parlons, nous débattons peut-être…
Pour l’enfant, les choses sont bien différentes. Pour le tout-petit de moins de 3 ans, il apprend à composer au milieu d’une avalanche de sensations qu’il ne sait pas s’expliquer. Son langage parlé n’en est qu’à ses débuts et il ne sait pas encore analyser les situations.
Au-delà de 3 ans, la pensée s’élabore, mais elle reste sur de l’analyse factuelle, dans un temps présent. Il faudra attendre 6/7 ans (l’âge de raison !), pour que l’enfant commence à construire une réflexion, analyse les situations, élabore son opinion, en lien avec son entourage familial, scolaire et extra-scolaire. Notre responsabilité est donc très grande pour protéger les enfants de nos doutes, de nos angoisses, de nos incertitudes, aujourd’hui très nombreux.
Même si nos réalités institutionnelles, familiales sont compliquées, parfois même inscrites dans des organisations manquant de logiques, nous devons filtrer nos colères et nos doutes pour que chaque enfant puisse prendre appui sur nous… Adultes protecteurs, fondateurs d’optimisme pour le monde de demain…
Une confiance partagée
Il est évident, aujourd’hui, que les diverses organisations ne sont pas toujours très simples. Il faut apprendre à composer, à faire au mieux, tant pour respecter les consignes sanitaires que pour gérer les aléas du quotidien.
Les enfants vous voient, vous entendent.
Ils comprennent bien que vous êtes soucieux d’eux. À aucun moment ils ne souhaitent vous mettre en difficultés. Si leur excitation, leur colère, leurs pleurs sembleraient être là pour vous provoquer, soyez vraiment certains qu’il n’en est rien.
Ils composent eux aussi avec ce qu’ils ressentent, ce qu’ils comprennent ou ne comprennent pas…
C’est pour cette raison qu’il est important que chaque enfant sache qu’il peut avoir confiance en l’adulte et qu’il peut compter sur lui… Alors se met en place une confiance partagée dans un réel respect mutuel.
L’adulte prend en considération l’enfant, ses besoins, ses compétences et parvient à garder le cap, même si la situation est difficile. L’enfant, de son côté, s’inscrit dans cette logique et respecte cet adulte qui le respecte.
Du courage pour tous…
Nous voici à nouveau contraints à limiter nos déplacements, nos projets, et modifier peut-être certaines de nos habitudes. C’est incontestablement difficile, peut-être inquiétant pour certains, mais il nous faut nous mobiliser pour enrayer ce virus.
Pour nous, adulte, nous pouvons apprendre à composer, même si cette situation est loin d’être évidente. Pour l’enfant, tout est à découvrir, même le masque pour les plus jeunes enfants…
Ils ont besoin de nous, de notre force, de notre persévérance, de notre énergie pour saisir l’importance de la situation, sans pour autant s’y perdre. Nous savons combien c’est compliqué de faire respecter des consignes strictes et inhabituelles.
Les enfants doivent les comprendre tant dans les actions qu’elles représentent que dans la persévérance qu’elles entrainent. Il est donc important de leur parler, de leur donner des explications mais sans jamais oublier leur âge.
Notre devoir de protection est d’autant plus sollicité qu’il est aujourd’hui martelé au cœur de nos pratiques professionnelles dans ce quotidien que nous maitrisons bien.
Alors pour que l’optimisme soit encore bien visible pour tous ces enfants qui en ont terriblement besoin pour se sentir en sécurité, sachons aller puiser ce courage que nos talents cultivent !
Des « regards soulignés »
Le masque souligne nos yeux. Bien qu’il cache près de la moitié de notre visage, il met en évidence notre regard et les expressions qu’il accompagne.
Nous avons mis un petit temps à apprivoiser cet objet, puis il est rentré dans notre quotidien et nous devons être persévérants en le portant sérieusement…
Nous avons en tant qu’adulte des perceptions, des interprétations, des jugements que les enfants n’ont pas encore. Que pensent-ils de nos visages cachés ? De nos « regards soulignés » que nous posons sur eux avec un petit peu plus d’insistance qu’avant ? Comment perçoivent-ils ces visages masqués ?
Ne développeront ils pas peut-être une autre lecture de nos émotions à travers ces regards plus insistants ?
Apprendre à poser son regard est une chose, prendre le temps de regarder pour échanger, partager en est une autre. Le masque nous permet cet arrêt sur ces regards qui prennent le temps de se croiser. De bien jolies rencontres, toujours possibles qui nous rappellent que nous avons un besoin vital de relation.
Pas de mauvaises intentions !
Lorsque les enfants bougent beaucoup, que nous leur demandons à plusieurs reprises de se calmer… Lorsque l’enfant fait « une bêtise » et qu’il nous regarde en souriant… Nous restons persuadés que tous ces enfants nous cherchent et nous provoquent.
Or, il n’en est rien !
L’enfant cherche bien plus notre soutien, notre confiance, et la fiabilité de ce que nous lui demandons et de ce que nous lui répondons.
Bien plus, avant 6 ans, il va répéter ces attitudes, ces demandes, ces réactions qui nous font réagir, non pas pour nous embêter mais bien pour comprendre ce qui est possible ou impossible de faire. Au-delà de 6 ans, il sera davantage en mesure de dialoguer, de questionner et d’argumenter ce qui se passe pour mieux comprendre cette confiance indispensable en l’adulte.
Ainsi, il faut peut-être apprendre à penser autrement notre posture d’adulte et se convaincre vraiment que les enfants désirent comprendre tout en ayant un besoin vital de sécurité et qu’ils n’ont jamais de mauvaises intentions !
Les petits mots magiques
Nous les connaissons bien ces petits mots magiques que nous demandons de manière répétée à l’enfant. « Merci… S’il te plait… ».
Ils sont comme la preuve d’une « bonne » éducation. Un minimum exigé pour montrer que l’enfant connait les bases du respect et du savoir vivre. Bien plus, comme pour donner un semblant de douceur à ces petits mots particuliers, ils sont devenus dans le langage éducatif… « Des petits mots magiques ».
Pour nous les adultes, ils font partie de notre vocabulaire quotidien (« normalement » !). Nous les utilisons pour signifier notre reconnaissance et notre gratitude envers une autre personne. Cependant cette politesse n’est pas génétique ! Elle s’apprend… Par l’exemple.
Un enfant ne saura pas de lui-même dire merci ou s’il te plait si l’adulte ne le lui a pas montré auparavant. Inutile donc de demander à un petit enfant ce qu’il doit dire lorsqu’un adulte lui donne un morceau de pain ou un crayon, si l’adulte lui-même ne sait pas lui dire merci lorsque l’enfant lui donne quelque chose.
Les petits mots magiques sont utilisés d’abord par l’adulte, comme toutes les formes de bientraitance, pour que l’enfant en comprenne le sens et s’en inspire. C’est donc bien à nous les adultes de commencer !
Le sens de l’essentiel
Rentrée du mois de janvier 2021. Voici le retour des enfants et son lot de questionnements bien légitimes.
2021 s’ouvre sur des incertitudes persistantes mais également sur une multitude de possibles… simples, accessibles… Essentiels. Mais que sont ces essentiels ? Avons-nous pris le temps, ne serait-ce qu’une seule fois de les définir, de les nommer pour que chacun puisse se les représenter et pour qu’une équipe puisse les faire vivre au cœur du quotidien ?
L’essentiel autour de l’enfant parait incontournable… Une simple évidence… Il est bien plus que cela. Il fait partie de ce qui donne de la hauteur et du sens au plus petit des projets. Il interroge les besoins fondamentaux et le sens de nos choix.
Aujourd’hui, l’essentiel ne peut pas se banaliser, il fait battre le cœur de nos responsabilités autour de nos métiers d’accompagnants de l’enfance, bâtisseurs de notre humanité. L’essentiel se loge dans ces plus petits détails de l’anodin du quotidien où le respect de chacun prend son sens. Il est cette urgence à ne jamais oublier que les enfants ont un besoin vital de nos compétences, de notre patience et de notre reconnaissance.
Christine Schuhl Janvier 2021
Christine Schuhl